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Faut-il passer en société ?

Focus sur les conséquences juridiques et fiscales de la transformation d'une entreprise individuelle en société.

Beaucoup de professionnels libéraux qui exercent leur activité en individuel hésitent à travailler en commun au sein d'une société, craignant d'y perdre leur liberté de décision et de fonctionnement.
Pourtant, le professionnel qui rejoint ou constitue une société ne sacrifie pas nécessairement son indépendance: tout va dépendre de la forme de collaboration choisie.
De plus, l'exercice en commun d'une activité peut présenter de nombreux avantages: matériel en partageant les dépenses, pratique en partageant le travail, économique en partageant les honoraires ou les bénéfices, professionnel en partageant les risques ... le point sur les principaux effets du passage en société.

Le partage des moyens et des bénéfices

Pour exercer une activité libérale en société, les professionnels libéraux disposent en gros de trois options. Outre le niveau d'engagement envisagé, leur choix dépend aussi de leurs objectifs professionnels et des moyens humains et matériels dont ils disposent.

Une simple mutualisation des moyens

En rejoignant une société civile de moyens (SCM), le professionnel libéral préserve son indépendance d'exercice : il ne partage ni ses bénéfices ni sa clientèle.
Seuls les moyens matériels (locaux, matériels, personnel) permettant d'assurer l'activité des associés et les frais de fonctionnement sont mis en commun.
Chaque associé répond indéfiniment et conjointement des dettes de la société sur son patrimoine personnel à proportion des parts qu'il détient dans le capital, mais pas solidairement. Ainsi, les créanciers de la société ne peuvent pas se retourner contre un seul associé pour obtenir le remboursement intégral de la créance, mais doivent agir auprès de chacun d'eux.

Une collaboration étroite

Avec la société civile professionnelle (SCP) (1), le professionnel libéral opte cette fois pour une véritable collaboration au sein d'une structure juridique. Ici, c'est la société qui « exerce» la profession et non pas simplement les associés.
Dans ce cadre, ces derniers partagent leurs honoraires et leur responsabilité professionnelle.
Et ils répondent indéfiniment des dettes sociales sur l'ensemble de leurs biens personnels. Toutefois, la collaboration s'arrête là: comme nous le verrons plus loin, les bénéfices sont en principe imposés au niveau de chaque associé à l'impôt sur le revenu.

Une ouverture aux financements extérieurs

Dans une société d'exercice libéral (Sel) (1), le professionnel libéral est le plus souvent autorisé à ouvrir le capital social à des personnes extérieures, c'est-à-dire à d'autres professionnels n'exerçant pas dans la société, à d'anciens professionnels ayant travaillé dans la société, ou même à des non-professionnels. La Sel existe sous différentes formes, les plus utilisées étant la Sel à responsabilité limitée (Selarl) et la Sel par actions simplifiée (Selas).
Leurs associés ne répondent ici des dettes sociales que dans la limite de leurs apports au capital. Par ailleurs, chaque associé est tenu sur l'ensemble de son patrimoine des conséquences des actes professionnels qu'il accomplit, la société étant solidairement responsable avec lui.

Un formalisme plus lourd

Outre les formalités (rédaction des statuts, immatriculation, publicité des actes...) à accomplir (et leur coût) au moment même de la transformation de l'entreprise en société, la société est astreinte, au quotidien, à un formalisme plus lourd que celui d'une entreprise individuelle : établissement des comptes annuels (et publication pour les Sel), tenue des assemblées générales des associés, modification des statuts lors de certains changements, etc.

Un changement fiscalement coûteux

Le passage en société n'est pas sans incidence fiscale. En effet, un changement de mode d'exploitation entraîne, en principe, l'imposition des plus-values latentes sur les éléments de l'actif, et notamment de l'accroissement de valeur de la clientèle.
Toutefois, en cas d'apport d'une entreprise individuelle à une société, un régime de faveur optionnel permet d'étaler, voire de différer temporairement ces conséquences fiscales. Ce régime avantageux prendra néanmoins fin lors de la cession des titres de la société.
Et lorsque vous apportez votre entreprise à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, vous êtes, en principe, également redevable de droits, assis sur la valeur de l'immobilier ou de la clientèle essentiellement, au taux de 3 % ou de 5 % selon les cas. Mais pas de panique, vous pouvez y échapper en souscrivant un engagement de conservation des titres de la société pendant 3 ans.

Un régime fiscal parfois avantageux

Selon la forme que vous aurez choisie, votre société sera soumise à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés.

Relever de l'impôt sur le revenu

Si vous optez pour la SCP, le résultat que vous dégagerez sera, comme auparavant, imposé au barème progressif de l'impôt sur le revenu dans la catégorie dont relève votre activité, à savoir les bénéfices non commerciaux (BNC). Votre assiette imposable ne dépendra pas des sommes que vous aurez effectivement appréhendées mais de la quote-part de résultat qui vous reviendra en raison de votre pourcentage de participation dans la société. Vous pouvez toutefois opter pour l'impôt sur les sociétés (IS). Mais cette option est irrévocable. Sachez en outre qu'une SCP peut être obligatoirement soumise à l'IS lorsqu'elle réalise des opérations commerciales qui ne sont pas liées à son activité libérale si celles-ci excèdent 10 % des recettes totales.
Si vous créez une SCM, vous serez en principe imposé à l'impôt sur le revenu (BNC) au titre de votre activité professionnelle et éventuellement pour la quote-part de bénéfice qui vous reviendra en raison de votre pourcentage de participation au sein de la société. Aucune option pour l'IS n'étant possible.

Relever de l'impôt sur les sociétés

Si vous constituez une Sel, les résultats de votre société seront imposés à l'IS au taux de 33,1/3 % ou, sous conditions et à hauteur de 38 120 €, au taux de 15 %.
De votre côté, vous serez imposé sur les rémunérations que la société vous versera en votre qualité de dirigeant, en principe dans la catégorie des traitements et salaires. Parallèlement, la société pourra, sauf exceptions, les déduire de son résultat. L'avantage du régime de la taxation à l'IS réside dans le fait que vous ne serez imposé personnellement sur le bénéfice qu'au titre des dividendes perçus. Vous ne le serez donc pas si le bénéfice réalisé n'est pas distribué mais réinvesti dans la société.

En complément

Quel sera votre statut social ?

Si vous devenez associé d'une SCP ou d'une SEL, vous continuerez à relever du régime de protection sociales des travailleurs non salariés en ce qui concerne la maladie-maternité et des régimes qui sont propres aux professionnels libéraux en matière de retraite et d'invalidité-décès. Toutefois, si vous êtes gérant associé minoritaire d'une Selarl ou président d'une Selas, vous relèverez alors du régime général de la Sécurité sociale.

Quelle stratégie fiscale ?

Passer en société relève d'une démarche complexe qui nécessite de mettre en place la meilleure stratégie fiscale possible. Elle peut consister notamment à préférer vendre plutôt qu'apporter votre entreprise à la société nouvelle, solution très avantageuse dans certains cas. Une stratégie à étudier et à définir bien en amont de l'opération.

(1) Attention, la SCP et la SEL sont réservées aux professions libérales réglementées pour lesquelles un décret d'application a été publié. Les professions non réglementées pouvant recourir aux formes classiques de société (EURL, SARL, SAS, SA...).

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