L'obligation de recourir à la facturation électronique soulève des interrogations, notamment quant à sa mise en place et aux entreprises concernées.
Bientôt obligatoire, la facturation électronique n'est pas encore très bien appréhendée par les professionnels. En effet, nombre d'entre eux s'interrogent notamment sur ce qu'est une facture électronique, sur les opérations concernées, sur le calendrier d'application de la réforme (un peu mouvant, il est vrai), sur ses conditions de mise en œuvre ou encore sur les opportunités qu'elle ferait naître. Nous vous apportons des éléments de réponse.
Une facture électronique ?
Une facture électronique est un document dématérialisé dont le format structuré permet d'automatiser le traitement et l'intégration complète des données qu'elle contient dans la chaîne comptable. Des données qui pourront, par ailleurs, être analysées et suivies par l'administration fiscale.
Qui est concerné ?
La facturation électronique concerne tous les professionnels, personnes physiques ou morales, assujettis à la TVA (redevables ou non) et établis en France, pour les opérations qu'ils réalisent entre eux sur le territoire national. Autrement dit, elle vise la quasi-totalité des opérations dites « B to B » (business to business).
Et attention, les entreprises qui effectuent des transactions à destination des particuliers (opérations dites « B to C », ou business to consumer) ou avec des opérateurs étrangers sont soumises à une autre obligation ! En effet, les données de transactions exclues de la facture électronique doivent également être transmises à l'administration fiscale, tout comme les données de paiement relatives aux prestations de services.
Complémentaire à la facture électronique, cet « e-reporting » permet ainsi de reconstituer l'activité économique d'ensemble des entreprises.
Si vous réalisez des opérations à la fois avec des particuliers et des professionnels, vous devez donc établir vos factures au format électronique pour vos transactions B to B et transmettre toutes vos factures (B to B et B to C) à l'administration via la plateforme de dématérialisation choisie.
Cependant, des exceptions existent. Ainsi, les entreprises qui exercent, à titre exclusif, certaines activités exonérées de TVA (domaine de la santé, prestations d'enseignement ...) ne sont pas concernées par l'obligation de facturation électronique, ni par l'e-reporting. Attention toutefois, si vous êtes exonéré mais que vous optez pour la TVA, vous vous placez dans le champ de la facture électronique et de l'e-reporting.
Quel calendrier ?
Un calendrier initial...
La réforme devait se déployer progressivement. Le calendrier prévu jusqu'au récent revirement de Bercy comportait trois étapes, variant selon la taille des entreprises.
La taille de l'entreprise dépendant des critères suivants :
- PME : effectif < 250 salariés et CA < 50 M€ ou total de bilan< 43 M€ ;
- ETI (hors PME) : effectif < 5 000 salariés et CA < 15 Md€ ou total de bilan < 2 Md€ ;
- grande entreprise : au-delà des seuils applicables aux ETI.
... modifié
Le 28 juillet dernier, le ministère de l'Économie et des Finances a décidé « de reporter l'entrée en vigueur du dispositif afin de donner le temps nécessaire à la réussite de cette réforme structurante pour l'économie ». Sauf nouveau changement, le nouveau calendrier d’entrée en vigueur vient d’être définie lors des travaux d'adoption de la loi de finances pour 2024, comme suit :
Bien entendu, vous pouvez, si vous le souhaitez, anticiper votre entrée dans la réforme.
Comment se fera le passage à la facturation électronique ?
Pour favoriser la bascule des entreprises vers la facturation électronique, l'État leur permet de choisir leur plate-forme de dématérialisation. Plusieurs stratégies peuvent être suivies. La première A consiste à se connecter directement au portail public de facturation (PPF), qui prendra la suite de Chorus Pro, afin d'y saisir, déposer, transmettre et recevoir ses factures. Cet outil sera gratuit et ne devrait offrir aucune fonctionnalité additionnelle.
La deuxième possibilité B est de choisir une plate-forme de dématérialisation partenaire (PDP). Immatriculés auprès de l'administration fiscale, ces opérateurs vont transmettre les factures à leur destinataire tout en exportant les données de facturation vers la plate-forme publique. Les services qu'ils offrent sont payants. Mais ils proposeront des fonctionnalités additionnelles.
Enfin, vous pouvez opter pour un simple opérateur de dématérialisation (OD) C. Contrairement aux PDP, les OD ne sont pas agréés par l'administration fiscale. Ils ne servent donc que d'interface entre votre entreprise et le portail public de facturation ou une PDP D.
À n'en pas douter, la plupart des logiciels ou des solutions en ligne de gestion (ERP, pré-comptabilité...) offriront la fonction d'OD. N'hésitez pas à vous rapprocher de votre conseil habituel pour y voir plus clair sur le choix de la plate-forme à privilégier dans l'intérêt de votre entreprise.
Les cas particuliers
La réforme prend en compte de nombreux cas particuliers. Ainsi, les associations « exclusivement à but non lucratif » ont été écartées du dispositif. En revanche, certaines transactions avec les DROM-COM ou avec un pays situé dans ou hors de l'Union européenne peuvent être visées soit par la facturation électronique, soit par l'e-reporting. Dès lors, si vous êtes concerné par certaines spécificités, n'hésitez pas à vous rapprocher de votre conseil habituel.
Et les PDF ?
Les factures en PDF sont de simples images dont on ne peut pas extraire les données. Il ne s'agit donc pas de factures électroniques !
Le timing
Le passage à la facture électronique nécessite une phase initiale de diagnostic. Sans se précipiter, il convient donc de ne pas attendre le dernier moment pour lancer l'opération.
Quel est l'intérêt ?
Pour l'Etat...
Passer à la facture électronique est, avant tout, une obligation légale.
L'État, grâce à la dématérialisation des échanges et à leur suivi via le portail public de facturation, entend d'abord améliorer la détection de la fraude à la TVA. Au-delà, les pouvoirs publics souhaitent profiter de cet observatoire, en temps réel, des activités des entreprises pour adopter un pilotage plus fin de leur politique économique.
... et pour les entreprises
Côté entreprises, on peut aussi lister un certain nombre de points positifs.
Le premier, le plus immédiat, n'est autre que la baisse du coût de traitement moyen d'une facture. Estimé à plus de 10 € en version papier (traitement du courrier, saisie des données, validation, paiement ou encaissement, gestion des relances, archivage ...), le coût de traitement devrait être divisé par 2 pour une facture électronique, et ce en raison de l'élimination du papier et des frais d'envoi, mais aussi de l'automatisation du traitement (gestion automatique de la facture, des suivis de paiement, des relances et de l'archivage).
La limitation des risques d'erreur (en éditant sa facture), et donc de redressement, est aussi notable ainsi que la baisse de la charge administrative induite par l'automatisation du processus de traitement.
Enfin, cette dématérialisation des factures est une formidable occasion de se constituer une base de données qui reflètera, en continu, les activités de l’entreprise, le fonctionnement de ses clients et de ses fournisseurs, l'état de sa trésorerie ... Autant de données qui vous permettront d'établir des tableaux de bord précis et mis à jour en temps réel. Des outils grâce auxquels vous pourrez piloter votre entreprise avec davantage d'agilité !
Des sanctions pour non-respect des obligations
Si les factures ne sont pas émises au format électronique, l’entreprise encourra une amende de 15 € par facture. En cas de non-respect de l'e-reporting, une amende de 250 € par transmission de données s'appliquera. Dans les deux cas, le montant total de la sanction sera plafonné à 15 000 € par année civile. La première infraction n'étant pas sanctionnée si elle est réparée spontanément ou dans les 30 jours qui suivent la demande de l’administration fiscale.