On sait qu'un grand nombre d'entreprises, y compris libérales, sont appelées à être transmises dans les prochaines années, notamment en raison de l'âge avancé de leur dirigeant. Mais attention souhaiter vendre son entreprise est une chose, parvenir à ses fins en est une autre. Car la transmission constitue une opération longue et complexe, qu'il faut anticiper et préparer plusieurs mois à l'avance. Zoom sur les principales étapes de ce processus.
TROUVER UN REPRENEUR
Transmettre son entreprise est loin d'être aisé car il peut tout d'abord être compliqué de trouver un repreneur. C'est particulièrement vrai pour certaines professions, en particulier les professions médicales et paramédicales, et dans les territoires ruraux dans lesquels les jeunes professionnels sont peu enclins à s'installer. Aussi, pour débusquer un repreneur, il convient de« ratisser large ».
D'abord, en activant l'ensemble de ses réseaux, tant personnels que professionnels, c'est-à-dire sa famille, ses relations et ses confrères. Ensuite, en faisant part de son projet aux syndicats professionnels locaux et au conseil de l'ordre. Et en n'hésitant pas à solliciter son banquier, son expert-comptable et l'association de gestion car les uns et les autres sont susceptibles de mettre le cédant en relation avec un ou plusieurs repreneurs potentiels. Enfin, la diffusion de son projet par la voie d'une petite annonce publiée dans la presse spécialisée ou sur des sites Internet dédiés ne doit pas être négligée.
VENDRE LE FONDS OU LES PARTS SOCIALES
Lorsqu'il exerce son activité en individuel, le professionnel libéral qui cède son cabinet va vendre son fonds. Celui-ci est composé de la clientèle ou de la patientèle, du droit au bail ainsi que du matériel et du mobilier. Dans ce premier cas de figure, ni les contrats ni les dettes ne sont transférés au repreneur, ce dernier n'achetant que des biens. Le vendeur doit donc gérer la cessation de son activité en encaissant les créances restant dues, en remboursant ses créanciers et en soldant ses comptes.
Si l’activité est exercée sous forme de société (SCP, société d'exercice libéral...), la transmission s'opère, cette fois, sous forme de cession des titres. Ici, c'est toute l'activité, clientèle ou patientèle, créances, contrats, trésorerie, etc., y compris les dettes, qui est vendue. L'opération est donc généralement synonyme pour le cédant d'un engagement de garantie de passif ou de garantie de valeur au profit de l'acquéreur.
ÉVALUER LE PRIX
Évaluer le prix d'une entreprise libéral est une question centrale. Pour y répondre, plutôt que de s'appuyer sur les méthodes utilisées par les entreprises « classiques » (méthode comptable, méthode de la rentabilité ...) et de prendre le risque de « taper à côté », il est préférable de se référer aux usages en vigueur dans la profession.
Sans surprise, le principal critère qui va jouer sur le prix est la clientèle/patientèle. Plus elle est fidèle, plus sa valeur est élevée. A contrario, plus l'intuitu personae est fort, plus le risque de perte de clientèle est important pour le repreneur et donc moindre est sa valeur. En pratique, la fixation du prix s'opère en appliquant un coefficient multiplicateur à un chiffre d'affaires, dit de référence (en général, une moyenne sur plusieurs exercices). On constate que ce coefficient tourne autour de 40 % pour les infirmiers et de 50 % pour la plupart des médecins à l'exception des médecins biologistes dont le taux avoisine les 80 %. Pour les notaires et les experts-comptables, la pratique veut que l'on se base sur plus ou moins une année de recettes. Les agents généraux d'assurance, dont la clientèle est très captive, voient, quant à eux, le prix de leur cabinet valorisé jusqu'à une fois et demie leur chiffre d'affaires de référence.
Une fois la valeur du cabinet déterminée, vient ensuite le temps de la négociation entre les parties, à l'issue de laquelle le prix de vente sera déterminé
FORMALISER LA CESSION
Après être tombés d'accord sur les biens à transmettre et sur leur prix, cédant et repreneur doivent formaliser leur consentement dans un acte. Un contrat de vente ou un contrat de cession de clientèle (on parle aussi de contrat de présentation à la clientèle) est alors dressé.
Rédigé par des professionnels, cet acte est fondamental car il reprend chaque point de la négociation et fixe les droits et obligations de chacune des deux parties. Il précise notamment les modalités de la reprise (accompagnement du successeur, reprise de certains engagements, stipulation d'une clause de non-concurrence pour le cédant, etc.), le prix de vente et ses modalités de paiement ainsi que les éventuelles conditions suspensives à la réalisation desquelles la cession est subordonnée.
ESTIMER LE COUT FISCAL DE LA CESSION
L'incidence fiscale de la cession est évidemment une préoccupation majeure du vendeur. Plusieurs hypothèses doivent être distinguées.
• La vente du fonds libéral (ou des titres si le cédant est associé d'une société de personnes relevant de l'impôt sur le revenu) déclenche l'imposition immédiate des bénéfices et des plus-values. Ces dernières sont taxées soit au barème progressif de l'impôt sur le revenu, assorti de cotisations sociales, soit au taux réduit de 16 % auquel s'ajoutent les prélèvements sociaux.
Fort heureusement, plusieurs mécanismes sont prévus pour réduire cette imposition, sous réserve bien entendu d'en réunir toutes les conditions d'application (durée d'exercice de l'activité ...). Ainsi, les petites structures (TPE) peuvent être exonérées totalement lorsque leurs recettes sont inférieures à 90 000 €. Les petites et moyennes structures (PME) peuvent également être exonérées totalement lorsque la valeur du fonds ne dépasse pas 300 000 €, hors immeubles. Ces deux dispositifs concernant tant l'impôt sur le revenu que les prélèvements sociaux. Et une exonération spécifique peut, en outre, s'appliquer dans le cadre du départ à la retraite du cédant. Toutes les plus-values étant alors exonérées d'impôt sur le revenu, excepté les plus-values immobilières. Etant précisé pour finir que les dispositifs TPE et PME sont exclusifs l'un de l'autre, mais peuvent se cumuler avec l'exonération pour départ à la retraite.
• Lorsque l’activité est exercée sous la forme d'une société, la cession des titres obéit à un autre régime fiscal. Les plus-values sont alors imposées au barème progressif de l'impôt sur le revenu après application, le cas échéant, d'un abattement pour durée de détention des titres. Abattement qui peut notamment être majoré lorsque le dirigeant d'une PME soumise à l'impôt sur les sociétés cède ses titres pour partir à la retraite. Mais dans tous les cas, les plus-values restent soumises aux prélèvements sociaux.
Informez vos clients !
Le professionnel libéral qui cède sa structure est tenu d'en informer ses clients ou ses patients. En effet, pour être valable, la cession d'une clientèle, dite civile, suppose que la liberté de choix des clients ou des patients soit respectée. Autrement dit, ces derniers doivent avoir la possibilité de choisir de poursuivre ou non leurs relations avec le successeur du cédant. Ainsi, par exemple, la pratique qui consisterait à transférer de façon automatique les rendez-vous d'un professionnel vers son successeur serait illicite.
Accompagner son successeur
Dans la plupart des cas, le professionnel cédant est soucieux de la pérennité de son activité et du devenir de ses clients ou de ses patients. À ce titre, une période d'accompagnement pendant laquelle le cédant prodiguera des conseils à son successeur et le présentera à sa clientèle peut être organisée. Prévoir, dès le début des négociations, un tel passage de relais permettra, en outre, de rassurer le repreneur, notamment sur les risques de «volatilité» de la clientèle.