L’installation individuelle d'un chirurgien-dentiste, après son exercice en société, ouvre droit à l'exonération ZRR, alors même que la patientèle n'est pas totalement inconnue du praticien.
Installation individuelle après exercice en société, exonération ZRR écartée par l’administration…
Après avoir exercé son activité de chirurgien-dentiste au sein d'une société d'exercice libéral (SEL), un praticien a cédé la part qu'il détenait dans la société pour s'installer en entreprise individuelle, en sollicitant le bénéfice de l'exonération d'impôt zone de revitalisation rurale (ZRR) (CGI art. 44 quindecies).
Exonération refusée par l'administration, au motif que l'opération devait s'analyser comme une reprise par soi-même.
… mais admise par les juges, faute de reprise partielle de patientèle caractérisée
Pour faire droit aux demandes du praticien, les juges d'appel ont relevé qu'il n'avait bénéficié d'aucun des moyens d'exploitation du cabinet dentaire de la SEL et avait été contraint d'acheter l'ensemble du matériel nécessaire à son activité.
La circonstance que 30 % des patients étaient initialement suivis par la SELARL ne caractérise pas en soi une reprise partielle de patientèle. En effet, lors de la cession de la part sociale, la patientèle était exclue de cette cession et n'avait pas été valorisée pour l'évaluation de la part sociale. En outre, eu égard à cette clientèle spécifique à l'activité de chirurgien-dentiste, en raison d'un attachement particulier au praticien, il ne peut en être déduit, du seul fait que des patients ont souhaité poursuivre leur suivi dentaire auprès de leur praticien, l'existence d'un transfert partiel de clientèle.
Ce transfert de patientèle ne résulte, selon les juges, que du jeu de la concurrence.
En l'absence de transfert de patientèle et de matériel, l'activité ne peut être regardée comme ayant bénéficié d'un transfert de moyens d'exploitation de la part de la SEL, en dépit du fait qu'une ancienne salariée de la société ait été employée.
C'est à tort que l'administration fiscale a refusé le bénéfice de l'exonération ZRR et a rejeté la demande de dégrèvement de la cotisation supplémentaire d'impôt à laquelle le praticien a été assujetti au titre de l'année 2017.
Si l'administration s'est efforcée, au fil de ses différents commentaires, de rappeler le principe d'exclusion de la mesure ZRR des transferts, même partiels, de patientèle (rép. Sollogoub n° 25686, JO 5 mai 2022, Sén. quest. p. 2540), les juges d'appel se sont attachés à définir les contours de cette reprise. Conditionner la mesure à une reprise vierge de tout patient serait nier l'expérience du praticien et la capacité d'attraction de celui-ci à l'égard de ses patients.
L'analyse des prochaines décisions permettra d'apprécier si cette approche pragmatique devrait rester isolée ou, au contraire, primer.
CAA Nancy 9 juin 2022, n° 20NC00829