Une ordonnance du 15 septembre 2021 vient préciser le calendrier et les modalités de mise en œuvre des nouvelles obligations d'émission de factures électroniques et de transmission de données à l'administration.
Des réformes attendues
Obligation d'émettre des factures électroniques
Pour les opérations entre assujettis à la TVA, l'émission de factures électroniques devait initialement devenir obligatoire entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2025, en fonction de la taille et du secteur d'activité des entreprises (loi 2019-1479 du 28 décembre 2019, art. 153).
Par ailleurs, les données figurant sur ces factures électroniques devraient être transmises à l'administration pour leur exploitation à des fins notamment de modernisation de la collecte et des modalités de contrôle de la TVA.
La DGFIP a remis au Parlement, le 3 novembre 2020, son rapport sur le développement de la facturation électronique en France : « La TVA à l'ère du digital en France »
Mesures par voie d'ordonnance
Le Gouvernement a été autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi dans un délai de 9 mois à compter de la promulgation de la loi de finances pour 2021 (loi 2020-1721 du 29 décembre 2020, art. 195) :
- généralisant le recours à la facturation électronique et modifiant les conditions et les modalités de ce recours (obligation de e-invoicing) ;
- instituant une obligation de transmission dématérialisée à l’administration d’informations relatives aux opérations réalisées par des assujettis à la TVA qui ne sont pas issues des factures électroniques, soit qu’elles sont complémentaires de celles qui en sont issues, soit qu’elles se rapportent à des opérations ne faisant pas l’objet d’une facturation électronique ou n’étant pas soumises à l’obligation de facturation pour les besoins de la TVA (obligation de e-reporting).
C'est dans ce contexte que l'ordonnance 2021-1190 du 15 septembre 2021 a été publiée.
Ordonnance du 15 septembre 2021
Présentation de l'ordonnance
L'ordonnance a pour objectif de généraliser progressivement la facturation électronique à l'ensemble des opérations entre assujettis à la TVA et la transmission des données, tout en donnant aux entreprises une visibilité sur les échéances et les modalités techniques de leur mise en œuvre.
L'article 1er définit le champ d'application des obligations de facturation électronique, qui concernent les transactions « domestiques » entre assujettis établis en France.
Par ailleurs, l'obligation de transmission des données concerne les transactions « non domestiques » et les transactions réalisées par un assujetti avec des non-assujettis. Il prévoit les modalités selon lesquelles les factures électroniques seront échangées et les données de facturation et de transaction transmises à l'administration fiscale.
Les entreprises peuvent soit recourir à une plateforme de dématérialisation ou au portail public de facturation.
L'article 2 adapte ponctuellement les dispositions du code de la commande publique pour les factures adressées par les entreprises à la sphère publique afin de prévoir la transmission par le portail public.
Un nouveau dispositif
Facturation électronique
Pour la mise en œuvre de l'obligation de facturation électronique, le dispositif législatif doit être adapté.
En effet, l'article 289 VI du CGI précise que la transmission et la mise à disposition de factures électroniques sont soumises à l'acceptation du destinataire.
L'article 289 bis I nouveau prévoit donc que, par dérogation à l'article 289 VI, lorsque l’émetteur de la facture et son destinataire sont des assujettis qui sont établis ou qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France, l’émission, la transmission et la réception des factures relatives aux opérations pour lesquelles une facture doit être émise s’opèrent sous une forme électronique selon des normes de facturation électronique définies par arrêté.
Les modalités d'émission, de transmission et de réception des factures électroniques sont également prévues par cet article qui précise qu'elles s’effectuent, au choix des intéressés, en recourant au portail public de facturation mentionné à l’article L. 2192-5 du code de la commande publique ou à une autre plateforme de dématérialisation.
En pratique, la mise en œuvre de ces mesures nécessite une dérogation à la directive TVA, demande de dérogation actuellement en cours d'examen par les instances européennes.
Transmission de données
L'article 289 bis II nouveau dispose également que les assujettis soumis à l'obligation de facturation électronique doivent communiquer à l’administration les données relatives aux mentions figurant sur les factures électroniques qu’ils émettent.
Les données de facturation, de transactions et relatives au paiement à transmettre obligatoirement à l'administration fiscale seront recueillies via le portail public, directement pour les entreprises qui l'utilisent et en transitant par les plateformes de dématérialisation pour les assujettis ayant retenu cet outil technologique (CGI art. 290 III nouveau et 290 A nouveau).
Ces données seront limitées aux informations devant figurer obligatoirement sur les factures.
En pratique, cette obligation concernera notamment les opérations qualifiées de « non domestiques » suivantes : livraisons intracommunautaires, exportations, ventes à distance intracommunautaires, prestations de services au bénéfice de preneurs assujettis non établi en France, acquisitions intracommunautaires en France, prestations de services situées en France et acquises auprès d'un assujetti qui n'est pas établi en France (CGI art. 290 nouveau).
Annuaire central
Afin de simplifier la mise en œuvre des obligations de facturation électronique dans des conditions permettant d'assurer la sécurité des transactions et des données transmises à l'administration fiscale, le portail public de facturation mettra à disposition des opérateurs de plateforme de dématérialisation un annuaire central (CGI art. 289 bis III nouveau).
Cet annuaire recensera, pour chaque entreprise, la ou les plateformes qu'elle aura choisies. Il sera alimenté par les plateformes de dématérialisation et les entreprises et consulté par les plateformes aux seules fins d'adressage des factures électroniques, dérogeant ainsi à l'article L. 151-1 du code de commerce sur le secret des affaires.
Entrée en vigueur
L'article 3 de l'ordonnance précise les modalités d'entrée en vigueur des obligations de facturation électronique et de transmission des données complémentaires en tenant compte de la taille des entreprises concernées.
Elles seront imposées à compter du 1er juillet 2024 en réception à l'ensemble des assujettis et, en transmission, aux grandes entreprises, puis progressivement généralisées d'ici le 1er janvier 2026.
Ainsi, ces obligations seront applicables en transmission :
- à compter du 1er janvier 2026 aux assujettis relevant de la catégorie des petites et moyennes entreprises et aux micro entreprises ;
- à compter du 1er janvier 2025 aux assujettis relevant de la catégorie d’entreprises de taille intermédiaire ;
- à compter du 1er juillet 2024 aux autres assujettis.
Cette entrée en vigueur différée et progressive permettra aux entreprises et aux opérateurs de dématérialisation de s'adapter à ces nouvelles obligations. Elle permettra également une montée en puissance régulière et réaliste du dispositif.
En tout état de cause, les conditions et les modalités de mise en œuvre effective de ces nouvelles obligations feront ultérieurement l'objet de décrets en Conseil d'État.
Ord. 2021-1190 du 15 septembre 2021, JO du 16, texte 8