“Si les paroles s’envolent, les écrits restent.” En matière de preuve, l’écrit constitue depuis toujours le moyen le plus évident en raison de son existence matérielle. Et pourtant, à l’heure du développement des échanges électroniques, le droit de la preuve évolue sans cesse et doit s’adapter à la dématérialisation des documents.
La loi reconnaît aujourd’hui la valeur des documents dématérialisés à titre de preuve mais dans quel cadre et selon quelles modalités ? Décryptage
A quelles conditions ?
Depuis une loi du 13 mars 2000, le Code civil reconnaît qu’un document numérique peut être une preuve recevable en cas de litige. Dès lors, l’écrit sur support électronique a la même force probante que celui sur support papier, “sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité”.
Deux conditions sont exigées pour que l’écrit numérique soit admis comme une preuve :
- l’identité de son auteur doit être certaine afin de savoir qui porte la responsabilité du document,
- le document ne doit pas pouvoir faire l’objet de modifications ultérieures.
La signature électronique, preuve indiscutable
En pratique, des procédures d’identification plus ou moins complexes permettent de remplir ces conditions : c’est la technique de la signature électronique.
Il peut s’agir de mots de passe ou autres cryptages connus du seul auteur. À titre d’exemple, lorsque vous déclarez vos impôts sur Internet, vous devez saisir un numéro d’identification spécifique permettant de s’assurer que vous êtes bien le déclarant. Grâce à cette signature électronique, les conditions prévues dans la loi, relatives à la valeur probante, sont respectées. La déclaration ainsi réalisée est opposable à l’administration fiscale.
Quid du courriel ?
À l’inverse, jusqu’à peu, un mail ne pouvait pas faire office de preuve. En effet, son contenu peut être facilement modifié et l’identité de son auteur peut être usurpée. Cela ne signifie pas pour autant que ce document n’a aucune valeur juridique. Il peut a minima constituer un commencement de preuve, qui, étayé par d’autres éléments, peut établir la réalité d’un fait, d’un acte...
Un nouveau pas a été tout récemment franchi en matière de reconnaissance de l’écrit sur support électronique. Dans une décision de juillet dernier, la Cour de Cassation précise que l’écrit exigé pour la validité d’un contrat peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions précitées et prévues par le Code civil. Elle ajoute désormais que les courriels échangés entre les parties peuvent constituer le contrat fixant leurs engagements.
Cas particulier : le litige prud’hommal
Dans certains domaines du droit, notamment en matière prud’homale, la preuve est dite libre. Dans ce cas-là, le juge est souverain pour apprécier de la recevabilité de la preuve. Il a été ainsi jugé qu’un employeur qui a invité par mail, un de ses salariés à démissionner, est tenu pour responsable de licenciement abusif. Dans une autre affaire, un mail précisant la nature d’un emploi, le montant du salaire et la date d’entrée en fonction a été reconnu comme une promesse d’embauche. L’employeur, qui s’est rétracté sans motif légitime, a été condamné pour dommages et intérêts.
La vigilance est donc de mise en matière d’échanges électroniques. Leur porter une attention particulière s’avère utile et nécessaire afin d’éviter d’être surpris par vos interlocuteurs.
A noter
Sous réserve de respecter les conditions de recevabilité à titre de preuve, il est possible de conserver tout document sur support numérique. Si vous faites le choix du tout dématérialisé, il est important de se prémunir contre les risques de pertes de données informatisées. Veillez à mettre à jour régulièrement vos logiciels de sécurité. À défaut, un archivage papier des documents fondamentaux de l’entreprise est conseillé.